Ce magnifique pays djurdjurakabylie

Aller au contenu

Menu principal :

Ce magnifique pays

La Kabylie

PRÉFACe

 

A l'horizon de la baie d'Alger, à laquelle elle forme un magnifique arrière-plan, s'élève, à plus de 2.000 mètres d'altitude, la grande chaîne du Djurjura, étincelante de neige de novembre à avril. Au pied de cette chaîne, dans un chaos de mamelons qu'en taillent de profonds ravins, s'étend un des pays les plus pittoresques et les plus étranges qu'il y ait au monde, le pays kabyle. Couverte d'oliviers et de figuiers, avec des sources fraîches qu'on entend partout murmurer, la Kabylie, à certains égards, a un visage de France,

Au cœur du pays Kabyle

 

Rappelant le Dauphiné ou la Savoie. Les touristes qui visitent l'Afrique du Nord, attirés par le Sud, son ciel sans nuages et ses palmeraies, ne sauraient se dispenser de parcourir ces Alpes algé­riennes, ne serait-ce que pour mieux apprécier le contraste qui les attend à Biskra ou à Ghardaïa. Quant aux Français d'Algérie, ils y trouveront, maintenant surtout que les communications sont deve­nues plus faciles et plus rapides, des stations d'altitude particulièrement favorables à un séjour estival. Dans ce pays kabyle, ce n'est pas seulement la nature qui est attirante: l'homme est partout présent, car la densité de la population est extraordinaire ; d'innombrables villages aux toits de tuiles, qui ressemblent de loin à nos villages d'Auvergne, couronnent toutes les crêtes et les habitants de ces cités forment de petites sociétés dont l'étude est du plus haut intérêt. On peut dire sans exagération qu'il n'est pas possible de connaître et de comprendre les indigènes de l'Afrique du Nord si l'on ne s'est pas tout d'abord familiarisé avec les Kabyles et la Kabylie. Des ouvrages de premier ordre leur ont été consacrés, notamment ceux de Hanoteau et Letourneux et de Masqueray, auxquels va s'ajouter celui que prépare mon collègue de l'Université d'Alger, Marcel Larnaude. Mais ces auteurs n'ont pas épuisé l'intérêt du sujet ; il reste encore beaucoup de points à préciser, de questions à approfondir. Etudier les Kabyles est aujourd'hui encore, à mon avis, la meilleure préparation aux recher­ches sur les populations berbères du Maroc ; s'ils en diffèrent par certains côtés, les ressemblances sont nombreuses et vraiment fon­damentales. La société kabyle, et ce n'est pas là le moindre des divers genres d'intérêt qu'elle présente, évolue sous nos yeux et cette évo­lution, depuis quelques années, est même assez rapide. Les deux grands instruments, comme le remarque M. Rémond, sont la route et l'école, la première amenant des modifications immédiates, la seconde, des transfor- mations plus lointaines. «L'automobile, dit M. Rémond, a conquis la Kabylie. Elle en a chassé le mulet ; nombre de villages ne possèdent plus un seul de ces animaux ». On nous permettra de le regretter. Lorsque nous évoquons le souvenir de nos tournées en Kabylie, dont les premières datent de plus de cinquante ans, nous revoyons ces animaux si courageux et si endu­rants, gravissant d'un pied sûr les pentes les plus abruptes, le muletier kabyle pendu à leur queue pour aider sa marche. Nous revoyons les ascensions du Club alpin d'Alger, en compagnie de ce délicieux et charmant artiste qu'était Charles de Galland, dont le souvenir demeure à tous ceux qui l'ont connu. On campait au pied de la grande chaîne ; on achetait un mouton pour le repas du soir, puis on goûtait la douce fraîcheur de la nuit étoilée et, le lendemain de bon matin, on grimpait au sommet choisi, pic Ficheur, pic Pressoir, pic de Galland, qui gardent les noms des premiers ascensionnistes. Plus moderne que moi, M. Rémond décrit surtout les routes accessibles aux automobiles; il faut espérer cependant que, parmi les visitéurs de la Kabylie, il en est qui, guidés par lui jusqu'au pied de la grande chaîne, voudront monter plus haut, à l'Haïzeur ou à l'Akouker, se promener dans les prairies semées de violettes des Alpes aux quelles se mêlent les tulipes jaunes et rouges au parfum si pénétrant. En dehors des transformations que produisent la rouie et l'école, on en observe d'autres en Kabylie. On sait que les Kabyles, surtout depuis la guerre, pratiquent sur une large échelle l'émigration temporaire en France ; cette émigration a ses avantages, mais aussi ses inconvénients pour l'Algérie et pour la métropole et demande à être contenue dans de justes limites. Pour y parvenir, M. Rémond préconise deux remèdes, le développement de l'arboriculture, parfaitement adaptée au soi et au climat de la Kabylie, et le progrès de l'artisanat. Il est clair que la propagation du châtaignier par exemple est un des plus grands bienfaits que nous puissions apporter à la Kabylie. Et l'évolution de l'artisanat, des petites industries qui aident à vivre tant d'autres populations montagnardes, n'est pas moins désirable ; M. Rémond lui-même, pour y aider, a créé à Fort National un centre d'éducation professionnelle qui paraît appelé à donner les meilleurs résultats. Dès à présent, les conditions de vie s'améliorent; les habitations, autrefois serrées les unes contre les autres, commencent à s'égailler dans la campagne et à devenir moins rudimentaires ; beaucoup d'autres signes d'amélioration se remarquent, qu'on trouvera mentionnés dans le présent ouvrage. M. Rémond appartient à cet admirable corps des admi­nistrateurs de commune mixte qui a succédé aux officiers de bureau arabe ; on ne dira jamais assez ce que la France et l'Algérie doivent aux uns et aux autres, ce qu'ils ont fait pour asseoir notre domination en Algérie et aussi pour accroître le bien-être des populations indi­gènes placées sous leur tutelle. L'autorité paternelle de M. Rémond s'exerce sur les 74.000 Kabyles de la commune mixte de Fort National, On ne remplit bien que les tâches auxquelles on se donne avec tout son cœur: M. Rémond aime ses administrés et a su se faire aimer d'eux ; il connaît trop bien les Kabyles pour s'aveugler sur leurs graves    défauts, mais il s'attache surtout à mettre en lumière leurs qualités et leurs mérites. Il s'efforce d'améliorer Ieur condition par tous les moyens en son pouvoir. Si certains touristes voyagent encore comme des colis et passent sans rien voir ni,comprendre, il en est d'autres qui cherchent à se documenter et pour lesquels le plaisir du voyage n'est complet que s'ils se sont renseignés sur les spectacles qui frappent leurs yeux. C'est pour ceux-là que M. Rémond a écrit son livre, admirablement édité et illustré par la maison Baconnier et qui est, croyons-      nous, appelé au plus grand succès. Pour visiter avec fruit la Kabylie, on ne saurait trouver de meilleur guide.

AUGUSTIN BERNARD. 


CHAPITRE I

LA KABYLIE DU DJURJURA

 

les deux kabylies. -Trop souvent le touriste, pressé de parcourir toute l'Algérie en quelques jours, se contente d'entrevoir la Grande Kabylie en allant d'Alger à Bougie par Azazga ou par Maillot. Sans doute, les régions ainsi traversées depuis Ménerville : Tizi-Ouzou et sa grouillante population, la forêt d'Akfadou et ses futaies de chênes zéen, Palestro et ses gorges, Akbou, Sidi-Aïch et leurs olivaies, Bougie et son merveilleux décor, tout cela est bien pays kabyle ; mais, à vrai dire, ce n'en est que la lisière. Qui veut bien connaître la Kabylie et en découvrir le vrai visage doit aller jusque vers Fort National et Michelet, en plein massif du Djurjura. Malgré le flot des invasions qui l'ont frôlée, cette région a fait figure, jusqu'en 1857, de citadelle imprenable, protégée qu'elle est par deux mer­veilleux remparts 'naturels : la profonde échancrure du Sébaou, au Nord et, au Sud, les flancs abrupts du Djurjura.

 

civilisation kabyle. -Si l'on juge une civilisation d'après les monuments qu'elle a laissés, celle des Kabyles est bien pauvre. Rien de saillant dans son histoire ; aucune vue d'ensemble ; aucune idée générale ; aucune cohésion. A peine, au seizième siècle, à Koukou, un éphémère essai de cristallisation des forces vives du pays. Une poussière de clans montagnards ; aucun sentiment d'ordre supé­rieur capable de grouper et d'unir. De continuelles luttes intestines. Dis­persion des efforts ; division des volontés. Rien de l'épopée arabe. Rien du conquérant ; mais une invincible force de résistance, qualité négative. Aucun monument. De masures uniformes ; les difficultés de la vie limitaient l'aisance des particuliers et l'esprit démocratique des cités n'aurait jamais toléré de suzerains, ni de châteaux. L'âpreté du sol et son exi­guïté relative, le manque de sécu­rité, en l'absence d'organismes à rayonnement étendu, tout contri­buait à laisser à chaque village un horizon borné. Ni citadelles, ni même de points d'appui fortifiés : la nature s'était chargée de construire d'inexpugnables remparts ; cela suffirait. Pas de routes, pour mieux résister aux envahisseurs ; seulement des sentiers capricieux, aux raidillons bien faits pour façonner des jarrets d'acier. Aucun centre dei culture intellectuelle ou artistique t une foule de villages compacts, repliés  sur eux-mêmes et campés sur les crêtes, dans un isolement farouche et une attitude défensive.

ASPECT DU PAYS KABYLE

 

L'attrait du pays kabyle - Avant même qu'on ne l'aborde, la haute Kabylie attire par la majesté de ses montagnes ; dès qu'on y pénètre, elle conquiert par son charme. Son relief, ses cultures, sa popu­lation, ses villages, tout y est original. La variété de ses aspects lui donne un attrait incomparable ; rien n'y est monotone. Choses et gens ont de l'allure, du caractère, de la race. A chacun des nombreux détours du chemin, l'amateur de beaux sites jouit de sensations nouvelles, tantôt aimables et gracieuses, tantôt austères ou violentes, tantôt grandioses et puissam­ment reposantes. Le folkloriste et le sociologue, à la recherche de détails nouveaux, décou­vrent des mœurs et des institutions mar­quées d'un indélébile cachet d'archaïsme et pénètrent les secrets d'une âme où bouillonnent tant de survivances du passé. Leur randonnée termi­née, chargés d'impérissables souvenirs, tous formulent le mémé souhait : y revenir. L'automne et le prin­temps sont les saisons les plus favorables pour visiter la Kabylie.

Aimable .et doux, l'au­tomne s'y prolonge, paré de feuillages fauves et feutrés d'herbes moelleuses. Le printemps surtout y est délicieux, avec ses cerisiers en fleurs et le vaste déroulement de ses landes verdoyantes ou de ses pâturages couleur de bouton d'or. Des coulées vertes rendre d'orge nouvelle se glisse sous les figuiers en bourgeons et les frênes déjà feuillus. Il n'est pas un talus, pas un buisson qui ne s'égaie de fleurs rustiques, depuis la violette jusqu'au chèvrefeuille. Ainsi recouvert d'une parure fraîche et parfumée, le sol semble être le plus riche au monde. Mais vienne l'hiver, il reprendra son vrai visage : rougeâtre et caillouteux, acide et froid, avec, çà et là, des ressauts de rocs qui révèlent toute la rudesse de l'ingrate nature du pays Kabyle.

Chapitre II

de la vallée du sebaou

a fornational

 

le bastion de kabylie.  A quelques kilomètres de Tizi-Ouzou, lorsque, pour aborder la montagne, la route quitte, à Sikh-ou-Meddour, les rives incertaines du Sébaou (altitude 80 mètres), on a l'impression qu'elle va buter à une infran­chissable muraille. En effet, dominant de plus de 600 mètres la vallée qui l'enserre, un énorme bastion semble chargé de protéger les abords de la chaîne principale dont les sommets émergent dans le lointain, et d'en éloigner tout intrus. Aussi, le voyageur qui, pour la première fois, visite ces parages, se défend mal d'une certaine inquiétude à l'idée d'escalader une telle paroi.

Pour Téléchargé L'intégrale du livre 
 
Total :
Aujourd'hui : 1
En ligne : 1
Retourner au contenu | Retourner au menu