La Kabylie et ses coutumes djurdjurakabylie

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La Kabylie et ses coutumes

La Kabylie
Première section Entre les mœurs et le droit : les coutumes

La Kabylie et ses coutumes 1

Première section

Entre les mœurs et le droit : les coutumes

Remarques introductives à

 

La Kabylie et les coutumes kabyles a connu deux éditions, la première en 1873, la seconde, vingt ans plus tard, en 1893. C’est cette seconde édition que nous reproduisons ici. Le premier des trois volumes de cette véritable encyclopédie de la Kabylie rassemble une somme considérable de données relatives à la zoologie, la botanique et la géographie physique de la Kabylie mais aussi au commerce et à l’industrie, jusqu’aux poids et mesures utilisés localement. Les Kabyles et les lexicographes apprécieront la richesse des termes recensés2. Les deux autres volumes Nous proposons la plus formidable ethnographie que le Maghreb - et même l’ensemble des pays de l’Empire colonial français - aient suscitée. Les remarques qui Suivent concernent ces deux volumes. La Kabylie  et les coutumes kabyles a eu une postérité théorique considérable et des Effets sociaux non moins importants. Les effets sociaux résultent directement de la politique judiciaire de la France en Kabylie à laquelle l’œuvre d’Hanoteaux et Letourneux a contribué de façon décisive. C’est en effet en se référant à ces coutumes kabyles que les juges de paix français ont administré la justice en Kabylie durant toute la période coloniale pour les affaires relatives au statut personnel et à une partie du droit civil. La présentation de Tilman Hannemann - qui suit la nôtre - en a longuement analysé la mise en place de 1857 à 1880. Mais il nous manque encore des études sur la période postérieure pour pouvoir prendre la mesure des conséquences de cette politique judiciaire sur les pratiques et les représentations des Kabyles3.

 

1. Le projet de rééditer LA KABYLIE ET LES COUTUMES kabyles est né d’un séminaire collectif d’anthropologie juridique intitulé mœurs, droit et politique dans les théories sociales que j’anime à l’Ecole des Hautes Études en Sciences sociales en sus de mon enseignement propre sur l’anthropologie historique de la Kabylie. L’équipe que j’ai réunie n’a pu conduire ses travaux qu’à la faveur d’un financement du ministère de la recherche qui a également contribué à ce projet éditorial. Les quelques réflexions qui suivent ont puisé l’essentiel de leurs arguments à l’épreuve du travail en commun accompli dans ce cadre, et je tiens tout particulièrement à souligner ma dette à l’égard de Bruno Karsenti avec lequel je mène, depuis maintenant trois ans, un dialogue ininterrompu.

2. L’abondance de mots rares ou ceux dont l’usage s’est perdu nous a conduit à renoncer à les transcrire dans un système qui satisferait aux critères académiques en cours. L’immensité du travail à accomplir et l’incertitude sur la possibilité de pouvoir réunir les compétences requises a stoppé l’élan que nous avait donné ce projet éditorial si ambitieux et si attendu.

3. J’ai moi-même longuement envisagé ces questions, cf. Mahé (2001a). Signalons cependant la remarquable étude de Claude Bontems (1992) sur «la coutume kabyle, jurisprudence et statut féminin». A partir d’études de cas relatifs à des affaires de succession et de rupture du lien conjugal, l’auteur analyse par le menu les attendus des jugements prononcés par les juges de paix en Kabylie; ceux invoqués par les magistrats intervenant en appel, ainsi que ceux sur lesquels s’étayent les arrêts de la Chambre de Révision musulmane de la Cour d’Alger. Tout l’intérêt de cette lecture est de souligner l’hétérogénéité des modes de justification et d’argumentation mobilisés par les magistrats pour amender la coutume kabyle: du droit naturel invoqué par les juges de paix aux raisonnements de pure technique juridique développés par la Cour d’Alger.

 


 

II                                                                                                                                                         LA KABYLIE ET SES COUTUMES

Du point de vue de ses effets sociaux, l’ethnographie de la Kabylie de Hanoteaux et Letourneux a également participé à cette impressionnante accumulation de connaissances1 dont la réappropriation par les Kabyles a joué un rôle central dans leur prise de conscience identitaire, dès les années 1930, puis, massivement, dans le cadre du mouvement culturel berbère des années 1980. Mais les effets sociaux d’une œuvre scientifique sont des plus aléatoires et des plus paradoxaux. En outre, la nature complexe et évolutive du débat culturel dans l’Algérie contemporaine les rend totalement imprévisibles. Puisse l’analyse que Tilman Hannemann donne de la politique judiciaire mise en rouvre par la France en Kabylie contribuer à cette réappropriation de son histoire à travers laquelle la société kabyle est en train de se réconcilier avec elle-même. Nul doute, en tout cas, que la réédition de la Kabylie et les coutumes kabyles y contribuera. Au-delà de l’intérêt académique de cette oeuvre- qui est l’objet de cette présentation -, c’est le vœu le plus cher de ses maîtres d’œuvre. Sur le plan scientifique, la postérité de cette œuvre est liée à la fondation durkheimienne de la sociologie. C’est notamment en se référant à la Kabylie étudiée par Hanoteaux et Letourneux puis par Masqueray (1886)2- que dans la Division du travail social Durkheim (1893) étaya sa théorie de la solidarité mécanique et de segmentarité. C’est aussi en puisant dans cette ethnographie que Paul Fauconnet (1920) - l’un des autres membres éminents de l’Année sociologique - élabora sa théorie de la responsabilité - ou que René Maunier (1927) prolongea de façon audacieuse les analyses de Marcel Mauss sur le don3. Dans l’anthropologie et l’histoire du droit, la postérité de La Kabylie et les coutumes kabyles n’est pas moindre. Les questions théoriques qui y sont traitées sont au cœur de l’«anthropologisation» de l’Antiquité classique que les deux grands maîtres des études grecques ont initiée. Dans sa thèse sur la solidarité de la famille dans le droit criminel en Grèce, Gustave Glotz (1904) cite en effet à plusieurs reprises les analyses de Hanoteaux et Letourneux et dans ses Recherches sur la formation de la pensée juridique, Louis Genet (1917) ne manque pas non plus de s’y référer4

On sait comment, dans la deuxième moitié du XXe siècle, la version durkheimienne de la segmentarité a été revisitée par l’anthropologie anglo-américaine et comment la thèse de Gellner (1969) sur les Saints de l’Atlas a informé durant plusieurs décennies l’ensemble de l’anthropologie politique du monde arabo-berbère.

 

1. Pour la seule période coloniale, la bibliographie de la Kabylie compte plusieurs dizaines d’ouvrages et des centaines d’articles.

2. L’œuvre majeure de Masqueray - rééditée en 1983 - n’a cessé d’être discutée dans l’anthropologie du Maghreb. Ses principaux relais sont la thèse de Montagne (1930); celle de Berque (1955); puis celle de Gellner (1969). A la différence de l’usage qu’ils font de la thèse de Masqueray, quand ces auteurs se réfèrent à l’œuvre de Hanoteaux et Letourneux, c’est uniquement pour invoquer des données ethnographiques qui valident leurs propres thèses et sans jamais restituer la complexité de l’analyse qu’en donnent les deux auteurs. Or, il convient ici de rappeler qu’en soutenant sa propre thèse Masqueray s’était dit honoré d’être considéré comme le disciple d’Hanoteaux et Letourneux, cf. Masqueray (1983, p. XIV). Comme si l’absence de légitimité académique d’un général et d’un magistrat, obligeait l’universitaire qu’était Masqueray à revendiquer solennellement une influence qui n’allait déjà pas de soi.

3. Cf. mon édition critique de l’essai de René Maunier, Mahé (1998).

4. Rappelons qu’en dehors de sa contribution au renouvellement des études grecques, Gemet a très tôt participé, dès 1903, à l’Année sociologique, avant d’en devenir le directeur en 1948. En outre, c’est dans le cadre de son  enseignement à la Faculté des lettres d’Alger - il occupa la Chaire de philologie classique de 1921 à 1948 - qu’il orienta Jacques Berque dans ses premiers travaux d’anthropologie juridique, cf. Mahé (2001b).

 


 

LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                  III

 

Là encore, et par un juste retour des choses, c’est l’œuvre d’Hanoteaux et Letourneux qui suscitera l’analyse segmentariste théoriquement la plus aboutie, sous la plume de Jeanne Favret (1968 et 1969). C’est dire que cette introduction ne saurait retracer l’ensemble des développements et des lectures auxquels s’est exposée l’œuvre de Hanoteaux et Letourneux. En outre, ces lectures ont été soit sélectives - les auteurs «braconnant» dans cette vaste ethnographie à la recherche des aspects qui les occupaient en négligeant l’analyse qui en est donnée -, soient contraDictoires - lorsqu’elles ont étayé une ambition théorique systématique. Ainsi, alors que la segmentarité de Durkheim s’arc-boute sur une théorie de la solidarité, celle de Gellner s’emploie, à l’inverse, à montrer comment dans les sociétés segmentaires la violence est le principal mode de structuration de la société!1 Reste enfin des lectures, plus ou moins fantaisistes, selon lesquelles de nombreux auteurs ont illustré des hypothèses aujourd’hui totalement obsolètes. Autant de références à Hanoteaux et Letourneux qui ne présentent plus qu’un intérêt historiographique qu’il revient aux érudits de recenser. Nous nous contenterons donc d’évoquer ici quelques-unes des implications théoriques majeures qui sont au cœur du projet de Hanoteaux et Letourneux, qu’elles aient été ou non intégrées dans les grandes modélisations théoriques qui ont assuré la postérité de La Kabylie et les coutumes kabyles. Car, on l’aura compris, la postérité de cette œuvre est largement paradoxale. Comme tous les grands livres d’ethnologie où la description ethnographique avec son souci du détail et de l’exhaustivité - prime sur la construction théorique, le destin du livre de Hanoteaux et Letourneux a été d’étayer d’autres grands livres dont les auteurs avaient le souci inverse. Nous commencerons donc par résumer l’interprétation de Hanoteaux et Letourneux du système kabyle afin d’en faire saillir la problématique, puis, après avoir établi le caractère paradoxal de l’usage de leur œuvre dans la théorie de la segmentarité - dans ses versions française et anglo-américaine - nous retiendrons trois questions: 1er Celle de l’articulation entre «coutumes», mœurs et droit; 2èm celle du passage de la vengeance à la peine; et, enfin, 3èm celle de la responsabilité avec ses deux versants: responsabilité objective et responsabilité subjective. Trois questions qui nous permettrons de montrer que la Kabylie et les coutumes kabyles est encore susceptible de nourrir - et de renouveler- les débats théoriques des sciences sociales contemporaines.

 

économie d’une démonstration

  

 L’ouvrage de Hanoteaux et Letourneux s’appuie sur une problématique théorique cohérente. Celle-ci repose sur deux axes.

Le premier affirme la laïcité foncière du système juridique kabyle.

C’est-à-dire qu’à l’inverse des législations inspirées par les traditions islamiques, le droit kabyle est le fruit d’une activité profane et séculière. En quoi, et à la différence du droit musulman figé dans son caractère de droit révéler, il est toujours susceptible d’être amendé et d’évoluer au gré des dispositions édictées par les assemblées villageoises.

Le second axe procède en deux temps. Hanoteaux et Letourneux reconnaissent d’abord l’existence de deux ordres juridiques distincts et concurrents, mais non exclusifs l’un de l’autre, puisqu’ils se superposent dans la plupart des cas. Le premier correspond à la justice privée et le second à celle de la cité. Dans le premier cas,

 

1. Pour une analyse détaillée, cf. Mahé (1999 a, 1999 b et 2000).

 


 

IV                                                                                                                 LA KABYLIE ET SES COUTUMES

les Particuliers et les lignages règlent leurs différends à coups de vengeances; dans le second, la Cité impose une pénalité fondée sur un système d’amendes. C’est dire que, pour le même crime, l’individu est susceptible de s’exposer à la fois à la vindicte du lignage victime et à la justice administrée par l’assemblée du village. Cependant, Hanoteaux et Letourneux se sont uniquement préoccupés d’élucider les ressorts de cette superposition et les valeurs propres des deux systèmes. S’ils s’avisent que, en cas d’opposition frontale entre les intérêts publics du village et les intérêts privés des lignages, les premiers l’emportent toujours, ils négligent cependant d’analyser les modalités de l’articulation des deux systèmes et les valeurs communes qu’ils ébranlent. Alors que ce sont ces valeurs qui leur permettent précisément de coexister, moyennant d’inévitables conflits de légitimité. Selon eux, la justice privée relèverait uniquement d’un code de l’honneur gentilice, tandis qu’inversement, celle qui est exercée par les assemblées villageoises procéderait du civisme et du patriotisme. Renonçant ensuite à étudier de façon systématique les pratiques du système vindicatoire liées à l’honneur, Hanoteaux et Letourneux réservent leurs analyses à l’administration de la justice par la Cité. Et nos auteurs de poursuivre leurs réflexions dans la même logique et avec les concepts juridiques qui leur avaient permis d’ordonner le système judiciaire kabyle en public et en privé. Les assemblées n’auraient de cesse de faire valoir et de défendre l’ordre public du village, en essayant de substituer la pénalité à la vindicte de la justice privée des lignages. Bien que Hanoteaux et Letourneux n’aient pas développé de théorie systématique, la recherche d’exhaustivité qu’ils ont déployée dans la présentation des faits et des règles juridiques kabyles met au jour un cas où l’assemblée villageoise non seulement ne s’oppose pas au règlement vindicatoire dans les règles de l’honneur, mais encore le provoque ou, à défaut, s’y substitue. Ainsi des situations où, par suite du relâchement de la cohésion des lignages ou de leur laxisme dans le respect des règles de l’honneur, un affront, une injure ou la conduite scandaleuse d’un individu demeurent impunis. Le déshonneur et la souillure provoqués par le crime rejaillissent alors des lignages - victime et criminel - sur le village. Ce dernier s’en émeut, et, par la voie de son assemblée, met en demeure ceux dont l’honneur a été souillé de rétablir son intégrité et, enfin, si ceux-ci n’obtempèrent pas, s’y substitue. Dans les situations les plus courantes, la publicité faite naturellement aux situations scandaleuses par les villageois suffit à réveiller le sens de l’honneur le plus émoussé. Et il est extrêmement rare, sur la foi des observations de Hanoteaux et de Letourneux, qu’une assemblée de village ait besoin d’entreprendre des démarches pour rappeler les intéressés à leurs devoirs d’hommes d’honneur. Cependant, nos deux auteurs font état de situations où non seulement les rappels à l’ordre de l’assemblée du village sont demeurés sans suite, mais dans lesquelles celle-ci se substitue aux lignages pour réprimer les atteintes à leur honneur. Dans le cas exemplaire que nous allons évoquer, il s’agit, en fait, d’une criminelle. Celle-ci était une femme volage flanquée d’un mari complaisant, à tel point que, même lorsque les frasques de l’épouse furent connues des villageois, il ne broncha pas. Les récriminations de l’assemblée villageoise n’eurent pas plus d’effet sur le comportement du mari que sur celui des parents que la femme adultère comptait dans le village et qui étaient tenus par le code de l’honneur à suppléer le mari

 

1.    Cf. vol. Il, p. 184

 


 

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Défaillant. C’est l’honneur du village à l’égard de ceux d’alentour qui était alors en jeu. Indignée par l’opprobre qui menaçait directement sa personnalité morale, l’assemblée ne tarda pas à réagir. Une somme d’argent fut prélevée sur les fonds du village et un citoyen fut chargé de recruter l’assassin à gages qui devait mettre fin à l’infamie. La femme adultère fut retrouvée au fond d’un puits1 On aura compris que le recours à un professionnel permettait au village de restaurer l’intégrité de son honneur sans impliquer l’un de ses membres et l’exposer ainsi personnellement à d’éventuelles représailles2. C’est dire que parallèlement2 à la volonté de l’assemblée de promouvoir un espace public et d’imposer les dispositions pénales le garantissant, l’institution villageoise se devait également, en dernier recours, de cautionner le code de l’honneur dans lequel les lignages poursuivaient leur vengeance. Hanoteaux et Letourneux ont donc à juste titre insisté sur la dualité du système répressif kabyle - la vengeance et la peine - et sur la prééminence de la justice publique du village. Dans ce sens leur ethnographie démontre de façon remarquable que la hurma du village, sa personnalité morale en quelque sorte, est absolument irréductible à la somme des hurma des lignages qui composent le village et qui sont, à ce titre, représentés dans son assemblée. Autrement dit, le tout est irréductible à ses parties. Pour autant, ils restent encore prisonniers de l’évolutionnisme juridique de leur époque qui ne conçoit les deux aspects que sous le signe d’une opposition irréductible. De sorte que leur ethnographie nous restitue, d’une part, une modélisation de la vengeance tout à fait comparable à celle formalisée par les théories anthropologiques contemporaines, et, d’autre part, une tentative d’identifier un système juridique proprement dit à partir de l’administration du jugement et de la peine irréductible au système de la vengeance.

 

La théorie de la segmentarité: une postérité paradoxale.

Dans la Division du travail social, la Kabylie, à travers l’œuvre que lui avaient consacrée Hanoteaux et Letourneux, a servi à Durkheim à étayer sa théorie de la solidarité mécanique propre aux sociétés segmentaires et de la solidarité organique des sociétés où la division du travail s’est accomplie. Cette façon d’illustrer le modèle segmentaire à partir de la Kabylie est totalement en contradiction avec une grande partie de l’œuvre d’Hanoteaux et de Letourneux consacrée à la présentation détaillée des multiples contrats et conventions agricoles et commerciales pratiqués

 

1. Contrairement à une opinion très répandue, les tueurs à gages existaient en Kabylie avant la conquête française. Néanmoins, il est certain que la volonté de la justice française d’endiguer les crimes de sang, en substituant son système pénal au système vindicatoire de l’honneur, a concouru à accroître leur nombre. Ainsi, l’individu qui voulait se venger recourait aux services de ces tueurs tout en assumant la responsabilité du meurtre vis-à-vis de ses pairs. Cela lui permettait de se soustraire à la justice française, car il va de soi que même les parents de sa victime se faisaient en quelque sorte ses complices pour cacher aux autorités françaises le véritable responsable du meurtre. Cette dissimulation était la preuve la plus éclatante que ces derniers pouvaient donner de leur honneur. En effet, les règles de la vengeance les autorisaient, à défaut de pouvoir exercer directement leur vengeance sur le meurtrier, à tuer l’un de ses plus proches agnats. Le fait de ne pas dénoncer l’assassin ne saurait donc pas s’expliquer par leur volonté d’exercer leur vengeance directement sur lui.

2. Ici, nous nous en tenons uniquement à l’analyse de Hanoteaux et de Letourneux. Car, en fait, et sur la foi même des données qu’ils produisent, c’est non pas de façon parallèle mais de façon concomitante que l’assemblée défend à la fois le code de l’honneur et une civilité publique; sur cette question cf. Mahé (2001a).


VI                                                                                                                 LA KABYLIE ET SES COUTUMES

Dans cette région. L’existence d’une tradition contractuelle constituant un déni de la validité pour la Kabylie de l’hypothèse durkheimienne sur la solidarité mécanique supposée caractériser la nature du lien social dans les sociétés à segments emboîtés. En effet, l’importance en Kabylie de formes d’associations et de solidarités volontaires contractées de façon conventionnelle contredit absolument l’idée d’une solidarité mécanique liant de façon univoque des individus interchangeables en fonction de leur place dans l’ordre segmentaire1.

C’est dire si la lecture de Durkheim a été sélective tant elle s’est contentée de puiser dans les chapitres consacrés à la justice privée des familles les données ethnographiques qui validaient la théorie durkheimienne. Comme beaucoup d’autres grands livres d’ethnographie, celui de Hanoteaux et Letourneux connut une postérité académique dans l’exacte mesure où il avait validé une théorie conçue en dehors de lui. La version contemporaine de la théorie de la segmentarité - d’Evans Pritchard à Favret en passant par Gellner - confirmera ce paradoxe initial. Cependant, moyennant ces réserves et à condition d’en circonscrire la validité au système vindicatoire kabyle - la justice privée - l’intérêt de l’hypothèse segmentaire demeure entier. L’objectif majeur de Durkheim était d’illustrer sa théorie des deux types de solidarité sociale: organique et mécanique. C’est-à-dire de différencier les sociétés dans lesquelles la spécialisation et l’hétérogénéité des rôles sociaux impliquent une solidarité organique reposant sur la complémentarité des rôles des individus, des sociétés où l’absence de spécialisation des rôles sociaux et, donc, l’interchangeabilité des individus, confèrent un caractère mécanique à la nature de la solidarité qui sous-tend le lien social. La théorie durkheimienne, reformulée par Evans Pritchard (1937 et 1940) à l’épreuve de l’ethnographie de la société Nuer, offrait l’occasion de démontrer comment l’opposition des segments sociaux permettait de réaliser un équilibre et un ordre politique. De la même façon, en appliquant la théorie segmentaire au Maghreb, Ernest Gellner (1969) et ses épigones furent fondamentalement motivés par le souci de comprendre comment un ordre politique pouvait être obtenu en l’absence d’institution spécialisée dans la gestion du pouvoir politique.Dans un article consacré à la segmentarité au Maghreb, puis dans un second consacré exclusivement à une interprétation de l’ethnographie de Hanoteaux et Letourneux, Jeanne Favret (1968 et 1969) a bien montré comment les projections africaines et maghrébines de la théorie segmentaire ont affecté le modèle de Durkheim. Selon elle, la segmentarité de Durkheim définissait une morphologie sociale, mais elle était muette sur l’aspect dynamique du système2

 

Jeanne Favret souligne que dans le modèle de Durkheim on ne pouvait pas savoir si le concept de l’égalité des segments désignait un principe ou une situation de fait.

 

1. Dans l’histoire de la postérité de Durkheim au Maghreb, le paradoxe se redouble à propos de l’œuvre de René Maunier. En effet, deux des contributions scientifiques majeures de cet auteur (cf. Maunier, 1927 et 1937) sont uniment présentées - notamment par Berque - comme des illustrations exemplaires des hypothèses de Durkheim. Or ces deux études, en prenant pour objet les aspects conventionnels et contractuels du lien social en Kabylie et en soulignant leur importance, constituent des dénis explicites de la validité du concept de segmentarité appliqué à la société kabyle et, plus globalement encore, des dénis explicites du caractère mécanique de la solidarité sociale de cette société.

2. À vrai dire, si Durkheim ne s’est pas préoccupé de formaliser un système politique segmentaire, cela ne l’a pas empêché de montrer que sa dynamique ne pouvait que procéder par un phénomène de fission de ses segments. Cf. Durkheim, 1893, p. 20 et ss.

 


 

LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                 VII

 

A l’inverse, le même auteur montrait qu’avec les analyses d’Evans Pritchard et de Gellner, l’égalité des segments postulée par Durkheim s’était définitivement travestie en leur opposition équilibrée, si bien que rien ne se produisait dans les sociétés sans État que la fission et la fusion (i.e. des segments). Alors que selon l’hypothèse de Durkheim les segments devaient être égaux et insécables, les analyses de sociétés empiriques révélaient que les segments n’étaient ni égaux ni insécables. Et Jeanne Favret de conclure que, dans la perspective de Durkheim, des segments inégaux et sécables sont une contradiction logique et ne peuvent plus servir à fonder la solidarité mécanique. Nous voudrions souligner ici le déplacement des enjeux et des questions théoriques soulevés par la segmentarité entre le modèle de Durkheim et ceux d’Evans Pritchard, de Gellner puis de Favret. Au-delà des questions de morphologie sociale, Durkheim, en élaborant son modèle des sociétés à segments emboîtés, voulait d’abord théoriser les différences de qualité du lien social entre les sociétés à solidarité mécanique et celles à solidarité organique. Or Evans Pritchard et Ernest Gellner se sont emparés du modèle segmentaire dans des perspectives tout à fait différentes. Pour ces deux auteurs, l’hypothèse segmentaire était uniquement un moyen de rendre compte du système politique de sociétés qui ne disposent pas d’État ni ne ménagent des positions de pouvoir coercitif instituées de façon durable. Peu leur chaut, dans cette perspective, que les sociétés segmentaires soient sous-tendues par une solidarité de type mécanique. Bien plus, leurs études, comme l’a montré Jeanne Favret, soulignaient l’importance du rôle de nombreux réseaux de solidarité irréductibles à la logique segmentaire dans le processus de fission et de fusion des segments, de sorte que Favret pouvait conclure Qu’une théorie des systèmes segmentaires n’a nul besoin d’une définition aussi restrictive des segments, et moins encore de la notion de solidarité mécanique. Le politique dans la théorie segmentaire d’Ernest Gellner. Ce modèle, qui a informé l’anthropologie politique du Maghreb durant plusieurs décennies, repose sur un certain nombre d’affirmations:

1. l’égalitarisme des sociétés segmentaires;

2. l’opposition équilibrée de leurs segments, régulée par des phénomènes de fusion et de fission;

3. la médiation des lignages maraboutiques qui, dans les conflits des laïcs, s’autorisent de leur pacifisme et de leur baraka, pour se hisser à une position d’autorité morale. Cette position leur permettant d’empêcher que les moindres conflits ne s’exportent vers les plus grandes unités (villages, tribus, etc.) par le jeu des solidarités segmentaires1;

4. la possibilité pour les laïcs d’acquérir ce statut de marabout par un certain nombre de stratégies et de comportements conformes au modèle local de sainteté (exil, retraite, initiation, manifestation ostentatoire de générosité et de pacifisme, prodiges, etc.)

5. et, enfin, dernière affirmation qui articule les précédentes, Gellner prétend que le maraboutisme constituait l’unique solution pour qui voulait obtenir un statut social prestigieux. C’est-à-dire que le maraboutisme capterait ainsi le potentiel d’inégalité que recèlent les communautés laïques en drainant les individus tentés par l’aventure politique et le pouvoir2

 

1. Ainsi les marabouts seraient ces étranger, inégalitaires, stratifiés, pacifiques, artificiels (qui), remplissent des fonctions qui permettent aux hommes des tribus égalitaires et pugnaces de faire fonctionner leur système segmentaire d’une manière remarquablement pure, Gellner (1969, p.5).

2. C’est l’objet de tout le premier chapitre des Saints l’atlas.


VIII                                                                                                                                                   LA KABYLIE ET SES COUTUMES

Soumise à de nombreuses critiques étayées par des études de cas1, cette première version de la théorie segmentaire est désormais insoutenable:

1 Les sociétés segmentaires connaissent des inégalités de fortune et de rang et par le jeu de l’honneur, certains individus parviennent même à se hisser à des positions de pouvoir. S’il est vrai que des lignages laïcs peuvent se sanctifier et acquérir le statut maraboutique, il n’en reste pas moins que les laïcs disposent de bien d’autres possibilités pour acquérir richesse et puissance. Il est donc erroné d’affirmer que le maraboutisme drainerait le potentiel inégalitaire des communautés laïques.

2. Ensuite, l’opposition des segments n’est absolument pas équilibrée, et certains conflits particulièrement âpres qui opposent les lignages peuvent se solder, soit par l’extermination des individus mâles, soit par leur exode2

3 Enfin, le rôle de médiateur des marabouts dans les échanges de violence segmentaire, pour autant qu’on puisse l’attester à l’échelle du Maghreb, n’est pas exclusif d’autres fonctions, qui, elles, sont absolument incompatibles avec le modèle de Gellner. Ainsi, par exemple, du rôle de représentant du pouvoir central dans les tribus, ou des tribus à l’égard du pouvoir central joué par les marabouts3. Sur ce point, la situation de la Kabylie sous la régence turque fournit de nombreux exemples4. En outre, c’est toute l’histoire du Maghreb qui nous dissuade de confiner les marabouts à leurs fonctions de médiateurs dans les conflits des laïcs. Comment considérer que la genèse des empires et de toutes les grandes constructions politiques un peu durables que connut le Maghreb se soit faite contre eux et ne doit rien à l’islam, dont ils sont pourtant les prosélytes attitrés? L’histoire du Maghreb nous montre, au contraire, que c’est en liant leur destin à celui de puissantes tribus - ou en prenant leur commandement - que les marabouts et autres chérifs ont pu élargir à de vastes régions l’obédience confrérique ou hagiologique dont ils géraient les sanctuaires qui assuraient leur prospérité et leur rayonnement politique et spirituel5. Moyennant certains réaménagements par la prise en compte des aspects que nous venons d’évoquer ci-dessus, de nombreux auteurs sont demeurés fidèles à la problématique de la segmentarité. C’est notamment le cas de Jeanne Favret.

 

Le politique dans les analyses de Jeanne Favret

 

L’étude de Jeanne Favret s’étaye exclusivement sur l’ethnographie de Hanoteaux et Letourneux. Elle constitue la version la plus systématique de la théorie de la segmentarité en ce sens qu’à la différence du modèle de Ernest Gellner qui postule la marginalité politique de l’ordre segmentaire par rapport au Makhzen, Favret

 

1. Parmi les plus intéressantes, cf. Hammoudi (1974 et 1980). Cet auteur retrace l’aventure politique des marabouts de la zaouïa de Tamgrout en montrant le peu de conformité de leurs entreprises au rôle que la théorie segmentaire assigne aux marabouts en les confinant dans les fonctions de médiateurs pacifiques.

2. À propos Rif Marocain, cf. Jamous (1981).

3. Sur le rôle politique des marabouts à l’égard des pouvoirs constitués, des travaux ont mis au jour deux cas différents. L’hypothèse du nationalisme berbère et de la restructuration sanhajienne à travers les mouvements maraboutiques est celle de Michaux Bellaire (1927). A l’inverse, Laroui  (1980), insiste sur la collaboration entre le Makhzen et les zaouïas. Dans le même livre, Laroui esquisse une critique de la théorie de la segmentarité.

4. Cf. Mahé (2001, 41 et ss. ).

5. Dans «Sainteté, pouvoir et société : la zaouïa de Tamgout aux XVII’ et XVIII’ siècle », Abdallah Hammoudi (1980) a remarquablement analysé ce phénomène, précisément dans la région où Gellner avait projeté le modèle segmentaire.

  


 

LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                 IX

 

Démontre que c’est bien en tant que telle que l’organisation segmentaire réalise un ordre politique et non du fait de son insertion dans un système global. En outre, la lecture de Favret analyse l’émergence des phénomènes d’autorité politique non pas comme le résultat d’une opposition mécanique de forces rivales, mais comme l’activité proprement politique que déploient les individus dans leurs stratégies de manipulation de la violence. Les mécanismes de fusion et de fission des segments qui résultent des échanges de violence n’ont plus rien à voir, dans cette perspective, avec cette sorte d’ajustement homéostatique que suggère la théorie de l’opposition équilibrée des segments. Au contraire, l’issue parfois radicale comme l’élimination physique des leaders d’un patrilignage nous place sur la scène tragique de l’histoire et non sur le terrain de systèmes justiciables en fin de compte d’une analyse cybernétique. Toutefois, l’attachement de Favret à la thèse centrale de Gellner selon laquelle le système segmentaire rendrait impossible la formation d’un réel pouvoir politique borne les perspectives ouvertes par son entreprise. Car si Favret reconnaît l’existence de phénomènes de compétition politique, c’est aussitôt pour en circonscrire l’enjeu à l’obtention d’une autorité politique. Pour cet auteur, il n’existerait, en effet, que des situations d’autorité. Jeanne Favret en distingue trois en Kabylie. La position de religieux (marabout), la position de «vieux» (amghar), leader formel du patrilignage et administrateur coopté du village, et, enfin, la position instable de «tête de ligue» (aqerou n’soff). Or, pour précaires qu’elles fussent, les situations de pouvoir politique dans le Maghreb rural des analyses segmentariste étaient une réalité observable, qu’il ne faut pas confondre avec les phénomènes d’autorité. Ainsi, pour la Kabylie, certains grands marabouts et chefs de soff étaient souvent parvenus à convertir leur charisme religieux ou leur prestige d’hommes d’honneur en suffisamment de richesse et de puissance pour pouvoir pour suivre leurs entreprises sans trop se soucier de leur légitimité. Les marabouts parvinrent à ces positions, soit en collaborant avec les Turcs, soit en s’associant à de puissantes tribus. De leur côté, les chefs de soffs arrivaient à acquérir du pouvoir politique grâce à l’argent, qui leur permettait d’acheter des alliances, de corrompre leurs ennemis et de se constituer des gardes prétoriennes. Certains marabouts et leaders de ligues partisanes transformèrent de cette façon leur autorité en un véritable pouvoir politique coercitif. Néanmoins, ce type de phénomènes politiques était marginal en Kabylie. En outre, sur la foi des sources disponibles, la constitution de ces poches de pouvoir politique coercitif était essentiellement liée à l’intrusion en Kabylie d’organisations étatiques qui faussaient complètement le jeu politique local, ainsi des Turcs avec lesquels les chefs de soff et les marabouts négocièrent prébendes et apanages en échange d’office de médiation avec les tribus1. Le juridique dans la théorie segmentaire Le système vindicatoire que modélise l’analyse segmentaire est aux antipodes de la justice pénale décrite par Hanoteaux et Letourneux. La poursuite de la vengeance dans le cadre des unités de segmentation est totalement contradictoire avec l’idée d’un droit public défendu par les deux auteurs. Il nous importe de souligner l’impasse où nous conduisent ces deux perspectives en revenant une fois encore sur la théorie segmentaire. Il s’agit de montrer ici que la complexité du système judiciaire kabyle ne saurait être rendue intelligible par la projection de catégories exclusives les unes des autres.

 

1. Sur toutes ces questions, cf. Mahé (2001a).


X                                                                                                                                                         LA KABYLIE ET SES COUTUMES

Dans cette perspective, nous discuterons de la validité des couples d’oppositions binaires sur lesquels ces théories s’édifient : public/privé, système vindicatoire/droit pénal. La vocation principale de l’hypothèse segmentaire est de rendre compte du système politique de sociétés qui ne disposaient pas d’institutions politiques séparées du reste de la société (comme un État ou une chefferie). Au-delà de ses origines durkheimiennes, la deuxième version de la théorie segmentaire procède d’une seconde inspiration qui n’a pas été soulignée. Il s’agit de la théorie wébérienne du politique qui faisait du monopole de la violence légitime la vocation même de l’État. C’est, en effet, essentiellement dans l’élucidation des modes de gestion de la violence que les tenants de la théorie segmentaire cherchèrent la clef leur permettant de comprendre comment un ordre politique pouvait être maintenu en l’absence d’institution spécialisée. A ce titre, c’est non seulement d’un système politique dont ils étaient susceptibles de rendre compte, mais aussi d’un système juridique. On a envisagé le modèle décrit par les segmentariste comme un système vindicatoire tempéré par les médiations pacificatrices des marabouts. Compte tenu de l’opposition prétendue égalitaire des segments, le «jeu» politique se résolvait localement à des phénomènes de fusion et de fission des segments qui reproduisaient leur opposition équilibrée. Par ailleurs, l’insertion des sociétés segmentaires dans de plus vastes systèmes politiques (royaume, sultanat, etc.) était réalisée grâce à la présence des marabouts, qui polarisaient la fidélité à l’ordre islamique et représentaient, en quelque sorte, le doublet local du souverain régional. Or, dans cette hypothèse, bien que le rôle des marabouts soit déterminant, autant par leur médiation dans les échanges de violence des laïcs qu’en tant qu’incarnation de l’ordre islamique, tout repose sur l’opposition de segments égaux dans une logique vindicatoire. Si bien que l’exercice de la violence - légitime ou non -, loin d’être circonscrit à un niveau de la société ou de constituer le monopole d’une instance déterminée, s’exerce collectivement dans toutes les unités de segmentation de la société. Car, même moyennant la conformité à une éthique de l’honneur, et malgré l’action pacificatrice des marabouts, les segments étaient prompts à laver dans le sang l’injure ou l’agression. En fait, les analyses segmentariste ne s’avisent pas que la médiation des marabouts dans le règlement des conflits était bridée par les modalités que les laïcs imposaient à leur intervention. Et ce, notamment, par l’accord préalable des parties en cause sur l’opportunité de les solliciter1, qui restreignait considérablement l’influence des clercs sur le cours des choses. Aussi l’hypothèse segmentaire au niveau de l’analyse des échanges de violence entre segments faisait-elle la part belle à la logique du système vindicatoire. Nous avons souligné comment les deux versions de l’hypothèse segmentaire se sont polarisées sur l’aspect vindicatoire du système kabyle. La version de Gellner

 

1. Il est important de souligner que les marabouts n’interviennent que quand ils sont requis par les laïcs, même si, pour l’opinion publique, ils donnent l’impression de prendre des initiatives. D’autre part, Hanoteaux et Letourneux ont bien montré qu’une fois saisi comme médiateur, un marabout pouvait très bien être récusé par une des parties, soit pour suspicion légitime ( parenté avec la partie adverse, corruption, etc.) soit pour tout autre motif. Dans tous les cas, le marabout était dessaisi de l’affaire sous un prétexte quelconque, afin que son intégrité n’ait pas à en souffrir. Hanoteaux et Letourneux évoquent sur ce point des situations exemplaires dans lesquelles de véritables enquêtes sont conduites sous les auspices de l’assemblée villageoise.

 


 

LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                                                       XI

Et de ses épigones propose finalement de rendre compte autant du système politique et du système juridique que de l’ensemble du système social des sociétés segmentaires. Autrement dit, le fait de privilégier le système vindicatoire conduit les segmentariste à dissoudre ensemble le juridique, le religieux et le social pour ramener le tout dans l’orbite du politique. Dans la formulation qu’en ont donnée Gellner et Favret, l’hypothèse segmentaire avait pour vocation de promouvoir les sociétés sans État au rang de sociétés politiques, c’est-à-dire de montrer, contre les traditions établies, qu’il peut y avoir du politique sans État ou sans institution spécialisée dans sa gestion. par la confusion du social, du politique et du juridique proprement dit, ce projeta été oblitéré. Dans l’impossibilité de déterminer le lieu du pouvoir, les segmentariste projettent le politique à toutes les jointures du corps social, c’est-à-dire à tous les niveaux de segmentation. Si bien que le système politique qu’ils nous décrivent fait office de système social global. Dans leur modélisation, la dimension proprement juridique n’est même pas considérée comme une catégorie pertinente, puisque selon eux, à l’instar du politique il ne s’objective dans aucune organisation spécialisée1. En outre, en dehors de la sorte de processus homéostatique qui maintiendrait l’équilibre de l’opposition des segments et empêcherait un affrontement généralisé et permanent, le système vindicatoire serait mû par une logique implacable impuissante à trouver en elle-même de quoi freiner les échanges de violence. De telle façon que les acteurs engagés dans ces processus vindicatoires n’agiraient que mûs par un code de l’honneur dont les exigences meurtrières seraient seulement susceptibles d’être contrariées par l’intervention d’une instance et d’un système de valeurs extérieures. C’est-à-dire par l’intervention de marabouts pacificateurs doublement extérieurs à l’ordre segmentaire : d’abord empiriquement, les marabouts sont rassemblés dans des lignages bénéficiant d’une sorte d’extraterritorialité par rapport au système segmentaire; ensuite idéalement, par le fait que le système de valeurs dont ils sont les promoteurs - l’ordre public et le droit musulman - se superpose au code de l’honneur et ne cesse de tenter de le battre en brèche. Dans cette perspective, la vengeance n’est considérée que comme présupposée de son dépassement par le droit. Le système vindicatoire de l’ordre segmentaire figurant ainsi l’exact envers d’un ordre juridique. On est donc bien loin de la démonstration magistrale de Hanoteaux et Letourneux sur la dualité du système kabyle de la vengeance et de la peine.

 

Entre les mœurs et le Droit: les coutumes

L’articulation entre coutumes, moeurs et Droit est La question des sciences sociales2. On pourrait même dire que c’est leur raison d’être tant ces disciplines sont parvenues à s’imposer contre la philosophie et le Droit, par leur prétention à élucider ce problème. Et, de fait, l’histoire des sciences sociales se résume en un incessant réagencement de ces catégories- coutumes, mœurs et Droit - avec l’ambition d’en proposer la configuration qui réglerait - définitivement à chaque fois selon leurs promoteurs - les modalités de leur articulation et l’ordre de la chaîne de causalité

 

1. Nous analysons plus longuement dans une section suivante la façon dont Favret (1969) valide l’hypothèse segmentaire à l’épreuve de l’ethnographie de Hanoteaux et Letourneux en tentant de résoudre la contradiction que représente l’assemblée villageoise en tant que Corporation de droit interne.

2. Dans cette perspective, Cf. Karsenti (2002).


XII                                                                                                                                       LA KABYLIE ETCES COUTUMES

 

 Qui la gouverne. C’est à ce titre que l’ethnographie de La Kabylie et les coutumes kabyles a immédiatement pris une place centrale dans l’appareil de notes des travaux des membres de l’Année sociologique. Le projet de Hanoteaux et Letourneux procède à la fois du modèle des coutumiers d’ancien régime - dans sa méthodologie -; du Code Civil - dans son mode d’exposition -; et, surtout, de l’idée, qui triomphera avec les sciences sociales, que les mœurs sont la source vive du droit. Tout l’intérêt de La Kabylie et les coutumes kabyles réside dans la façon dont elle concilie ces perspectives contradictoires: entre des coutumiers qui sanctionnaient, en les intégrant dans le droit, des usages locaux aussi hétérogènes que divers; le Code Civil qui a disqualifié ces coutumiers en instituant le législateur et la Loi comme la principale source d’un droit à vocation universelle; et les mœurs dont les sciences sociales nous disent qu’elles sont - devraient être? - le seul fondement du droit récusant ainsi le légicentrisme qu’inaugura la Révolution française. Certes, Gilissen (1962) a raison de souligner que les rédacteurs du Projet de l’an VIII, qui donna en 1804 le Code Civil, avait ménagé une place à la coutume dans la théorie du Droit qu’ils avaient esquissée. Mais c’était comme source matérielle du Droit que la coutume était envisagée et non pas comme source formelle: la coutume résulte d’une longue suite d’actes constamment répétés, qui ont acquis la force d’une convention tacite et commune1. C’est dire qu’il s’agit pour nous de montrer que, moyennant certains tiraillements et hésitations conceptuels et analytiques - que les auteurs n’ont pas dissimulés -, leur œuvre possède une réelle cohérence. Les coutumiers d’Ancien Régime et les coutumes kabyles le projet de Hanoteaux et Letourneux était de contribuer à la mise en place du système judiciaire que le gouvernement colonial a institué en Kabylie dès 1857. Nous verrons comment l’instauration du régime civil qui a succédé à l’administration militaire de la région consécutive à sa conquête par la France a passablement contrarié leur projet initial. Je ne reviendrai pas ici sur les aspects factuels que la présentation érudite de Tilman Hannemann établit de façon exhaustive et définitive pour la période 1857-1874. Il m’importe seulement de souligner la parenté de ce projet avec la rédaction des coutumiers d’Ancien Régime. Car le choix de mettre en place un régime judiciaire propre à la Kabylie - l’ensemble des autres «indigènes», hormis dans quelques petites enclaves, était justiciable du droit musulman - n’est pas sans rappeler les franchises particulières et les dérogations au régime commun dont jouissaient de nombreuses régions, villes et provinces de la France d’Ancien Régime2. Dans les deux cas, ce régime dérogatoire était circonscrit à certaines matières -essentiellement les contrats agricoles et commerciaux; le droit personnel et des questions de droits d’usage de communaux et autres terrains de parcours. Mais alors que les coutumiers français étaient le produit d’une sédimentation historique résultant du rapport de force entre trois partenaires: le roi, le seigneur local et ses vassaux, les coutumes kabyles ont été élaborées dans un face-à-face entre Hanoteaux et Letourneux et leurs administrés kabyles3. Dans le premier cas,

 

1. En outre, cette esquisse d’une théorie générale du Droit ne fut pas retenue dans la rédaction définitive du Code Civil.

2. Et dont jouissent encore quelques vallées du Sud de la France. Sur ces questions je renvoie aux travaux de Louis Assier Andrieu (1986 et 1987).

3. Sur le rôle des officiers subalternes dans la collecte des matériaux et sur la part prise par Celle du principal informateur - quasiment coauteur - de Hanoteaux et Letourneux, je renvoie à la présentation de Hannemann.

 


 

LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                                                       XIII  

 

c’est la rédaction des coutumiers concédés par le seigneur qui était inscrite dans le droit par le roi, alors qu’en Kabylie la rédaction s’opéra dans le cadre d’une concertation entre deux protagonistes sur un temps extrêmement court, de 1862 à 1865. Autrement dit alors que les coutumiers français ne devinrent une source formelle du droit qu’à la faveur d’un processus historique où les rapports de force entre les communautés locales, le seigneur et le roi étaient déterminants, les coutumes kabyles - sous la forme et avec la systématicité que leur donnèrent Hanoteaux et Letourneux - ne préexistaient pas à leur inscription dans le droit1. C’est-à-dire que sur les matières en cause, les dispositions des coutumiers français, loin d’être le simple reflet des usages des communautés locales, fixaient les limites des droits que le seigneur voulait bien reconnaître et que le roi était disposé ensuite à agréer. En outre, ces coutumiers renfermaient de nombreuses dispositions qui sanctionnaient les obligations des justiciables à l’égard de leur seigneur2 Rien de tel pour les coutumes kabyles de Hanoteaux et Letourneux qui se voulaient le reflet le plus fidèle des divers usages locaux et qui reçurent une sanction légale uniquement sur des affaires entre justiciables kabyles et sur des matières «réservées»3.

Les coutumes kabyles et le Code Civil

Cette question est le véritable pont aux ânes de l’anthropologie juridique du Maghreb4.Car autant l’influence du Code civil sur l’œuvre de Hanoteaux et Letourneux est manifeste, autant rien de satisfaisant n’en a été dit. En fait, et comme souvent dans l’anthropologie du Maghreb, la disqualification politique des connaissances produites durant la période coloniale à permis de faire l’économie d’une véritable critique méthodique de La Kabylie et les coutumes kabyles. Il est vrai que l’entreprise de Hanoteaux et Letourneux s’exposait à plus d’un titre à ce type de lecture politique. En effet, non seulement l’ethnographie de Hanoteaux et Letourneux a servi à la mise en place d’un système judiciaire colonial dérogeant au régime commun dont était justiciable le reste des Algériens, mais encore le mode d’exposition que Hanoteaux et Letourneux ont suivi dans leur ouvrage se calque sur les catégories du Code Civil!

De façon bien plus précise que je ne l’avais fait antérieuremen5, Hannemann a remarquablement montré que cette distribution en chapitres selon le plan du Code Civil6 n’a pas empêché Hanoteaux et Letourneux de conceptualiser, d’interpréter et de catégoriser les coutumes kabyles selon leur logique propre. Je ne reviendrai

 

1. Cette différence entre les deux types de coutumes ne recoupe pas la distinction entre la coutume comme source formelle ou comme source matérielle du droit telle qu’on l’a posée, notamment, au sujet du droit musulman. Sur cette question, je renvoie à ma présentation de

L’Anthropologie juridique du Maghreb de Jacques Berque (2001b).

2. Sur l’incongruité ou l’indécence de certaines de ces dispositions, cf.  Louis Assier Andrieu (1987).

3. Cf. Hannemann, pp. XXXV et ss.

4. Cf. Bousquet (1950) et, surtout, Hannemann dans sa présentation de cette réédition. 5. Cf. Mahé (2001a).

5 .Cf.Mahé (2001a).

6. Ajoutons que le mode d’exposition du premier livre trahit une autre influence qui n’a jamais été notée. Celle du modèle des monographies Le Playsiennes telles qu’elles seront réalisées dans les années 1860 et, surtout, tel que Frédéric Leplay le formalisera dans la nomenclature sociale (1886). La contemporanéité du mouvement Le Playsien et de l’entreprise de Hanoteaux et Letourneux n’est évidemment pas le fruit du hasard et nous montrerons dans une prochaine réédition des monographies Le Playsiennes portant sur le monde arabo-berbère, que ces deux entreprises de connaissances ont bien d’autres points en commun.

 


XIV                                                                                                                                                   LA KABYLIE ET SES COUTUMES                              

Donc pas sur cette question et je le laisserai également détailler la façon dont, sur certaines matières, les catégories du fiqh sont sollicitées dans le travail mené conjointement par Hanoteaux, Letourneux et leur principal informateur : Si Mula n'Aït u ‘Amar.

Certes la Kabylie et les coutumes kabyles partage aussi avec le Code Civil cette ambition à la systématicité. Mais il faut prendre garde, que le Code Civil procède d’une rationalité qui repose entièrement sur la figure du législateur comme deus ex machina alors que les coutumes kabyles sont déclinées à partir d’une matrice symbolique immanente aux pratiques sociales. Leur fondement ne relève pas d’un législateur mais des mœurs. Du reste, en dépit du projet politique qui l’avait sous-tendue, la politique judiciaire pratiquée en Kabylie sera totalement grevée par le légicentrisme républicain rétabli en Algérie à la faveur de l’extension du régime civil. La flexibilité des coutumes kabyles dans laquelle Hanoteaux et Letourneux mirent tant d’espoir pour réformer et «faire évoluer» la société kabyle connaîtra alors un coup d’arrêt définitif. En effet, si entre 1857 et 1874, l’administration militaire parvint à amender plusieurs dispositions des coutumes kabyles dans le sens que souhaitaient Hanoteaux et Letourneux et au regard de l’évolution des mœurs qu’ils appréciaient sur «le terrain»1, il n’en ira plus de même une fois que le système qu’ils mirent en place sera sanctionné par la Loi. Car alors, ce que la Loi avait fait, seule la Loi pouvait le  défaire. De sorte que si l’on excepte quelques aménagements introduits par la jurisprudence2, la modification des coutumes kabyles devait nécessairement faire l’objet d’une loi votée par le Parlement au terme des procédures légales et des longs travaux de commissions ad hoc. De ce fait, la plupart des projets de réforme sont restés velléitaires. C’est ainsi qu’une commission de réforme des coutumes kabyles instituée dès 1905 travailla de longues années pour arracher, en 1931, la réforme de quelques dispositions relatives à la succession de la femme et à la rupture du lien conjugal3.

 

Entre la coutume et le Droit : les mœurs

Le légicentrisme hérité de la Révolution française et du Code Civil a profondément marqué le développement des études juridiques en faisant du législateur et de la loi la source exclusive du Droit. La coutume a été ainsi totalement disqualifiée et exclue hors du champ des questions légitimes et pertinentes. Il faudra attendre la naissance des sciences sociales dans les dernières décennies du XIX , siècle pour la voir réapparaître. Dans la fondation durkheimienne de la sociologie, la coutume et les mœurs au fondement des règles deviennent le point de passage entre le juridique et le social dont Durkheim propose la théorie. Non seulement l’œuvre de Hanoteaux et Letourneux y apporta de nombreux arguments ethnographiques accompagnant

 

1. Cf. les développements détaillés que Hannemann consacre à ces amendements de la coutume kabyle.

2. Cf. Morand (1927) et Bontems (1992).

3. C’est pour cette raison qu’un des plus ardents partisans des réformes, G. H. Bousquet, ne cessa de critiquer l’usage de la Kabylie et des coutumes kabyles et d’appeler à détruire «le culte» dont le livre faisait l’objet. Cf. Bousquet (1950a et 1950b). Les instances représentatives des indigènes - les délégations financières - où les Kabyles bénéficiaient d’une délégation particulière, multiplièrent leurs «veux,»pour que soit réalisée une réforme des coutumes kabyles afin de modifier la recension qu’en avaient donné Hanoteaux et Letourneux. Cf. Ageron (1968) et Mahé (2001). Claude Bontems (1992) évoque par ailleurs la tentative de plusieurs juges de paix de passer outre les coutumiers de Kabylie en invoquant l’idée de droit naturel.


LA KABYLIE ET SES COUTUMES                                                                                                                 XV

Ainsi cette redécouverte de la coutume -elle en proposa même des analyses qui anticipaient celle des sciences sociales à venir1, mais aussi, en tant qu’elle étaya une politique judiciaire, la Kabylie et les coutumes kabyles illustre de façon exemplaire les contradictions indissociablement politique et épistémologique de l’intégration de la coutume dans le Droit. Lorsque Durkheim montre que les mœurs sont - sous la forme de règles sociales immanentes aux pratiques - la source du droit, c’est le légicentrisme hérité de la Révolution française et la figure du législateur comme principale source du droit qui est contestés. Lorsque Hanoteaux et Letourneux procèdent à l’opération symétrique, ce n’est pas le législateur qu’ils visent - quel serait ce législateur en Kabylie? - mais bien le droit musulman en tant qu’il est la principale matrice légitime du droit au Maghreb. Selon la vulgate de l’époque, le droit musulman ne saurait se prêter aux réformes souhaitées par le colonisateur à cause de son caractère révélé qui en a figé les dispositions2. Mais prenons garde que ce qui gêne Hanoteaux et Letourneux dans le droit musulman, ce n’est pas tant son islamité que sa fixité3. Et c’est pour cette raison qu’ils feront jouer les concepts d’usage et de mœurs pour colliger les coutumes kabyles et en souligner la flexibilité: «Pour des mœurs analogues, il faut des institutions semblables car les secondes naissent des premières et pour que les lois soient bien en rapport avec les besoins des populations, il faut en quelque sorte qu’elles soient la photographie de leurs mœurs».4 Le recours aux mœurs pour décliner les coutumes kabyles se laisse analyser jusque dans la façon dont Hanoteaux et Letourneux pressent leur informateur principal - Si Mula n Ait u’Amar - au sujet d’une disposition qui ne doit rien au Code Civil mais qui est propre au droit musulman: la succession de (l’hermaphrodite.) Hanoteaux et Letourneux ont alors un double objectif: proposer une version systématique des coutumes kabyles tout en faisant pièce au droit musulman. Seule cette dualité de leur projet explique leur acharnement à enraciner dans des pratiques une disposition qui relève d’une casuistique imaginaire dont seul le Fiqh est capable. De fait, ils ne trouveront aucun cas concret d’un problème aussi scabreux qu’improbable qu’est la succession de l’hermaphrodite dans une société rurale telle que l’était la Kabylie des années 1860. Alors que la casuistique du juriste musulman se décline selon la normativité révélée de la Shari’A5 et les catégories propres au Fiqh, c’est au plan des pratiques que la correspondance de Hanoteaux et Si Mula n’Ait U’Amar envisage la question.

 

1. À bien y regarder, la grammaire invisible et l’ethos de l’honneur kabyle tels que les théorise Bourdieu sont très proches des analyses du droit kabyle par Hanoteaux et Letourneux. De fait, les schèmes pratiques de sa théorie de l’action ont exactement la même systématicité virtuelle que les coutumes de Hanoteaux et Letourneux.

2. Sur la façon dont les juristes de l’École de droit d’Alger feront jouer l’idée de coutume dans la fabrication d’un droit musulman algérien moderne et, en particulier, sur la confusion qu’ils opèrent entre la coutume comme source matérielle et comme source formelle de droit, je renvoie à l’édition critique de l’anthropologie juridique du Maghreb de Jacques Berque (cf. Mahé 2001b).

3. Car si Hanoteaux et Letourneux pensaient que la flexibilité des coutumes kabyles résultait.

De leur caractère séculier, les deux auteurs ont suffisamment montré que le droit musulman en était la principale matrice. C’est dire qu’il faut passablement nuancer le «berbérisme» de leur entreprise.

4. Rapport sur l’organisation des tribus kabyles, 1864, F 80 1679, cité par Hannemann, supra.

5. La traduction de ahana par normativité révélée est sans contexte la plus satisfaisante. Elle a été proposée par Baber Johannsen, cf. Contingency in a sacred Law’. Legal and ethical norms in the Muslim Fiqh.

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